"Regards sur la matière- Des quantas et des choses"

entretien avec Bernard d'Espagnat

(réalisé en 1993)

La physique quantique n'est pas seulement à la base de nombreuses inventions de pointe.

Elle constitue aussi une révolution conceptuelle de grande ampleur. Bien que ses implications pratiques comme ses conséquences philosophiques soient immenses, la physique quantique est encore mal connue des non-spécialistes, en partie à cause des difficultés qu'il y a à exposer ses fondements. Or c'est justement la gageure réussie de cet ouvrage. En un style clair, enjoué et dépourvu d'équations, Etienne Klein nous guide dans les profondeurs de la matière.

Nous découvrons avec lui des expériences aussi étranges que celle des "fentes de Young", qui montre que la matière est à la fois onde et corpuscule et que ses caractéristiques sont en partie liées... à notre propre existence en tant qu'observateur humain! Après avoir pris connaissance de paradoxes surprenants comme celui du chat de Schrödinger - un chat à la fois mort et vivant! -nous abordons la mystérieuse question de la "non-séparabilité',' sorte d'influence qui se joue de l'espace et du temps.
Prenant le relais, Bernard d'Espagnat nous montre les impressionnantes conséquences de ces découvertes; comment il en résulte que la physique ne donne accès qu'à une allégorie de ce réel dont elle maîtrise si admirablement les apparences. Notre vision du monde s'en trouve transformée et vivifiée. Loin d'apparaître comme la grande mécanique que paraissait décrire la physique classique, ce réel -voilé et non séparable - laisse entrevoir une profondeur et un mystère qui semblaient avoir disparu.
La quête immémoriale d'un "être" qui soit plus que les matériaux qui le composent retrouve ainsi une pertinence que la science avait un moment paru nier. Ensemble, ils nous proposent un livre clair et vigoureux qui, non seulement nous initie à la physique moderne mais réhabilite aussi la dimension contemplative du métier de physicien.

! Sujet complexe mais vertigineux !

Ecoutez !

Première partie: les fondements de la mécanique quantique

Deuxième partie: quand la physique frappe à la porte de la métaphysique

Bernard d'Espagnat

né le 22 Août 1921 à Fourmagnac (Lot)

Education: Lycée Condorcet, Lycée Saint-Louis, Ecole Polytechnique (promotion 1942), Doctorat es Sciences physiques (Sorbonne 1950).

Carrière: Attaché (1947), puis Chargé, puis Maître de Recherches au CNRS. Détaché au Laboratoire de Physique de l'Université de Chicago  (1951-52) puis à l'Institut de Physique Théorique de Copenhague (1953-54) et enfin au  CERN à Genève (1954-59). Maître de Conférence à la Sorbonne (1959), Professeur titulaire (1967) au Centre Universitaire d'Orsay, devenu après 1968, l'Université de Paris-Sud. Directeur du Laboratoire de Physique Théorique et Particules Elémentaires de cette Université de 1980 à 1987. 'Visiting Professor' aux Universités du Texas (Austin) en 1977 et de Californie (Santa Barbara) en 1984. Professeur émérite depuis 1987.

Organisateur de sessions d'Ecoles d'Eté portant sur les fondements de la mécanique quantique (Société Italienne de Physique, Varenna, 1970, Institut International Ettore Majorana, Erice, Sicile, 1976, en collaboration avec John Bell).

Membre de l'Académie Internationale de Philosophie des Sciences depuis 1975.

Membre (en Section de Philosophie) de l'Académie des Sciences Morales et Politiques (Institut de France) depuis 1996.

Lauréat de l'Académie des Sciences (1953) et de l'Académies des Sciences morales et politiques (1982) , Prix Lecomte du Nouÿ (1969), Prix Templeton (2009).

Publications

Le "Questionnaire" de Chasseurs d'Horizons"

Le professeur D'ESPAGNAT a très aimablement accepté de répondre à nos questions quelques années après cette interview (le 01/11/2010):

-          Quel est votre point de vue sur la vulgarisation scientifique. Est-elle souhaitable, utile, viable ?

-          Souhaitable et utile: oui, à condition, évidemment, qu'elle soit viable. Or  dans certains domaines comme la physique fondamentale cette condition exclut toute explication par l'image. Elle y rend donc la vulgarisation télévisuelle inéluctablement fourvoyante. Et même infantilisante, du fait qu'elle y invite à prendre pour des réalités "en soi" des images qui n'en sont que des allégories.

-          Un  débat citoyen sur les implications des découvertes scientifiques est-il souhaitable ?

-          Sur les implications pratiques: oui.

-          Doit-on  « penser » la science et si oui, à qui incombe ce rôle ?

-          Ce n'est pas un rôle qu'on puisse assigner à telle ou telle catégorie de personnes. Les scientifiques munis d'une culture philosophique suffisamment diversifiée et les philosophes ayant fait l'effort de bien maîtriser les fondements mêmes de la discipline à laquelle ils s'intéressent paraissent les mieux qualifiés pour l'assumer.

-          Peut-il exister des rapports entre sciences et philosophie et entre sciences et religions ?

Entre sciences et philosophie: oui certes (voir plus haut). Entre sciences et religions je ne les tiens pour légitimes qu'à sens unique. De toute évidence la science en tant que telle ne peut s'inspirer d'aucune religion. En revanche j'incline à penser que toute religion aurait intérêt à circonscrire et affiner les conceptions et perspectives qu'elle offre à ses adeptes par le moyen d'une réflexion critique un peu poussée portant sur les données les plus élaborées de la science.

-          Quelle est votre citation préférée

L'objet n'est pas l'être.

Ferdinand Alquié

-          Pouvez-vous nous proposer un choix sélectif d'ouvrages de vulgarisation dans votre domaine et dans d'autres qui vous tiennent à cœur.

-          Louis de Broglie, Matière et lumière.

-          Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod, Le cantique des quantiques, (La Découverte, 1984)

-          Etienne Klein, Discours sur l'origine de l'Univers (Flammarion, 2010)

-          Avez-vous des suggestions à nous faire ?

-          En physique: s'efforcer de surmonter le moins mal possible le redoutable paradoxe soulevé par la vulgarisation en ce domaine, qui est que pour se faire comprendre du grand public le plus simple est de dire: "les choses sont comme ceci ou comme cela", et que de ce fait on érige en réalités substantielles les notions que les mots employés désignent, alors qu'en fin de compte ils ne renvoient qu'à des apparences, partielles mais qui nous sont communes à tous.